Flasque tel le poisson sans arêtes

Publié le par Lolou

Le mou s'empare de moi. Plus envie de sortir, plus envie de ranger, de faire des lessives, de bouger ou quoi que ce soit. C'est désespérant, et dire que ça se dit "jeune". Je suis sûre que ce soir, si une invitation se profile pour un apéro, je vais à nouveau trouver une bonne excuse pour la décliner tout en combattant moi-même cette partie de moi, tout en essayant de me forcer à y aller. Vu mon humeur d'en ce moment, la flemme risque de prendre le dessus... Parfois l'envie de sortir arrive, d'un coup d'un seul, mais elle ne reste pas et la maison finit toujours par représenter l'idéal, la quête de toute une vie. J'espère que cet état ne durera pas, car c'est profondément exaspérant pour une moitié de mon être. Cette dualité a beaucoup amusé Mister H, qui m'a comme d'habitude laissée sur des paroles bien énigmatiques. Mais ces mots-là ne sont pas douloureusement sans réponse, ils font réfléchir sans faire souffrir. C'est reposant. Mais je sens bien que j'ai de plus en plus de mal à parler de l'essentiel, car cet essentiel est ce que je ne parviens pas moi-même à cerner. Avec le voyage je ne le reverrai pas avant deux semaines, et je ne saurai dire si j'en suis soulagée ou stressée. Un peu des deux je suppose. Chaque rendez-vous fait renaître la peur, le noeud au ventre, mais l'absence de rendez-vous est tout aussi angoissante à cause de la question "et s'il arrive quelque chose?". Il m'a dit que je pouvais l'appeler, mais je ne pense pas que ce sera facile depuis la Grèce. Ma retenue à l'idée de ce voyage me consterne, heureusement l'habitude de cacher est devenu si facile pour moi que personne ne s'en doute. Mais le monstre guette, il se nourrit de l'angoisse suscitée par ce voyage, et il grandit doucement. Le paroxysme viendra sûrement la veille, Samedi risque d'être terrible. Mais impossible d'en parler, comme d'habitude. Tant de chance et si peu de joie... Dieu doit m'en vouloir à force, des fois je me demande pourquoi il continue de m'envoyer tant de sujets de joie en voyant mes réactions. Mais peut-être que cela L'amuse, bien que j'aie toujours rejeté l'idée d'un Dieu mauvais ou égocentrique.


Pour moi, Dieu ne peut pas être tel que le décrivent et le vénèrent les chrétiens, les protestants, les juifs, les bouddhistes et toutes les autres religions. http://www.michelledastier.org/images/Hommes%20particuliers/homme%20gloire%20a%20Dieu.jpgDésolée à vous qui lisez ces mots et qui êtes peut-être  profondément croyant, mais je ne peux croire que Dieu ait besoin de voir des milliers de vies sacrifiées en construisant des temples et des Eglises simplement pour ses beaux yeux, et ce n'est qu'un exemple. A mon sens, même si c'est sûrement une pensée profondément égoïste (mais je ne suis pas Dieu...), Il devrait être heureux des grandes joies et triste des grandes peines, sans prendre garde au moindre de nos petits gestes au quotidien, et je veux croire qu'il peut même être gêné de tous les égards qu'on lui offre dans toutes les religions du monde. Cette croyance est strictement personnelle, n'engage que moi, mais elle me plaît. J'aime me dire que le simple fait de lever la tête, regarder le ciel bleu, se sentir heureux et penser "merci" doit lui apporter un peu de bonheur. Enfin bref, ce développement était totalement en-dehors du sujet...


Ce voyage en Grèce est effectivement une chance inouïe, partir avec la prépa, se construire des souvenirs, aller au soleil et au bord de la mer, dans un pays très beau en plus et avec des gens très sympathiques avec qui les bons moments seront au rendez-vous... Et pourtant l'angoisse me tord les entrailles en y pensant. La mer. Depuis un mois, tous les camarades me rabâchent le mot qui y est associé dans nos esprits occidentaux.  Le maillot de bain. De multiples excuses ont d'ores et déjà pris forme dans mon esprit pour y échapper, mais j'ai peur des réactions et surtout des questions. Impossible d'expliquer à quiconque d'autre que les Siphos (et encore, je risque de ne pas pouvoir être claire...) la raison de cette impossibilité. J'espère, je croise les doigts, je prie pour qu'on ne tombe surtout pas sur un marchand de maillots juste au moment où quelqu'un se rendra compte que je n'en ai pas... Pitié épargnez-moi. Et pourtant cette pensée me désespère, me déprime et m'énerve profondément. Une vraie adolescente prépubère tourmentée, une gamine pénible, une chichiteuse complexée, voilà ce que je suis et sans aucune raison en plus. Enfin c'est ce qu'on me dit en tout cas. Parce qu'il y a ça aussi, l'autre raison pour laquelle je n'en parle pas, pourquoi je ne peux pas en parler. Je sais pertinnement ce que tout le monde me dira : mais non y'a aucune raison regarde X..., et je sais exactement quelle sera ma réaction : le rouge aux joues, le détournement de tête, le silence et l'envie de vomir. A peu près la même que quand on me demande ce que je veux faire plus tard et que je réponds ce qui me tente sur le moment, ce qui entraîne toujours des "mais les postes se font rares, il n'y a plus de débouchés, tu auras du mal, tu ferais mieux de faire...".


L'envie de courir, d'échapper à tout et à tous. Si vous savez tout mieux que moi, venez donc prendre ma place! Venez dans ce corps, dans cette tête qui m'assaille et me détruit, venez avec ce ventre qui n'en finit pas de pourrir et de s'anéantir, venez déverser vos pensées à un illustre inconnu au regard bienveillant et aux  mots tranchants chaque semaine pour tenter de vous en sortir, venez essayer de trouver les mots sans jamais, jamais, jamais y arriver, venez blesser, tuer mentalement tout ce qui vous entoure, venez vous jeter par la fenêtre en imaginaire environ une fois par semaine, venez!! Puisque VOUS savez, vous avez vu, vécu, senti, observé, puisque vous me connaissez si bien, puisque vous m'aimez et voulez m'aider, allez-y prenez-moi, bouffez-moi, envahissez-moi... Ca sera toujours mieux que mon indécision maladive, ma maladresse chronique et mon manque de coeur. Je suis désolée, heureusement ceux qui sont concernés par cette tirade ne la liront et ne l'entendront jamais, car elle ne franchira pas mes lèvres. Seule ma tête parlera, seule, résonnant dans le silence de cette boîte cranienne qui ne semble pas entourer grand chose finalement. Je ne suis qu'une imposture dans un corps trompeur, entourée de ceux qui font de leur mieux et le font bien. J'aimerais être ce que vous désirez, mais j'aimerais aussi être moi. Sauf qu'il semble que je me sois perdue, et que je ne parvienne pas à me retrouver. Alors que me reste-t-il? Si mon âme, celle que ma famille entière semble regretter dans tous leurs récits d'enfance, si cette conscience n'est plus, vers quoi dois-je me tourner pour vivre?

 

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J'ai du mal à saisir ce que je raconte, et le lire doit être profondément atroce. J'ai intérêt à emmener mon carnet en Grèce, il pourrait bien représenter ma dernière ancre dans l'océan déchaîné d'un voyage à l'étranger comme de celui de ma propre introspection. J'espère surtout pouvoir garder le cap au moins en apparence durant ces cinq jours. Jamais je n'aurai passé tant de temps accolée à tout ce monde que je connais si mal. J'espère que ça ira... De bonnes angoisses m'attendent d'ici Dimanche.

Publié dans Blues d'une Fillette

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