Vide, flasque, folle

Publié le par Lolou

Je me sens mal. Terriblement mal. L'idée de l'école et des nouvelles personnes, l'idée des proches que je laisse si loin, l'idée de moi au milieu de tous ces amants délaissés et meurtris qui enfoncent des couteaux dans mes plaies béantes. Quel avenir? Quelle vie? Plus j'avance et plus les liens forts deviennent importants, et plus il me devient difficile de les conserver. J'aimerais être plus humaine, plus aimante, plus proche, plus facile à approcher. Mais je reste loin, protégée par la barrière des non-dits qui me hantent et m'accablent, mais me protègent encore d'un monde sauvage où je crains la destruction de tout  ce qui me compose. Loin de tout, tel le robot qui se tient là, attendant les ordres pour tendre une main, écrire un cours, rendre un devoir ou offrir un présent. Où se terre l'humaine capable d'aimer, où partent ces sentiments de pouvoir déplacer des montagnes, si forts et si fugaces? Les périodes de deuil interne s'allongent, les sujets tus s'accumulent, et je m'efface progressivement derrière des monosyllabes, des sourires et des gaffes qui sauvegardent l'aspect sombre de mon être. Je ne sais plus si j'ai besoin de repos ou d'activité, s'il faut que je dorme ou que je veille, que je réfléchisse ou que je m'en empêche, s'il faut que je sois seule ou en société. Chaque geste est un doute, chaque mot semble fade et inutile, chaque conversation n'est que babil incessant dans lequel je m'empêtre avant de lasser l'interlocuteur. Alternance de sport et de repos, de ruminations et de distractions, de rangement et de chaos. Je ne sais plus où je vais, ne sais plus où j'en suis, ni vers où me tourner. Je ne sais même pas pourquoi je devrai me tourner vers qui que ce soit. Tout va bien, sauf moi, sauf cette chose qui m'échappe continuellement, cet aspect relationnel qui envahit mes angoisses, ces liens qui sont ma vie entière et qui sont si lourds. Ces problèmes que deux années de travail intense avaient maintenus sous-jacents n'en ressortent que d'avantage en ces périodes inactives, toujours aussi insaisissables, aussi douloureux, aussi solitaires. Des millions de questions et de complexes ressortent, la peur du physique, l'angoisse du regard des autres, l'envie de fuir loin de cette foule, l'impression de sombrer, le sentiment d'ennuyer ou de blesser, l'envie de dormir pour des années et de s'éveiller libre de toutes ces pensées obscures. L'envie de partir pour vivre seule et la solitude qui pèse. L'envie d'arracher tout ce qui est sur les murs et la peur du vide. La nausée et la bonne figure que l'on garde malgré tout. Sûrement n'est-ce encore qu'une des nombreuses conséquences de la rentrée. Sûrement, cela passera avec le temps. On s'accroche à cet espoir, on serre les dents et ferme les yeux, et on avance dans le noir, la peur au ventre et le  coeur au bord des lèvres, se frayant un passage au couteau en continuant de meurtrir ceux qui nous entourent, et se blessant soi-même pour s'en punir... Je cherche le bout du tunnel, l'humanité retrouvée, la formule magique ou le génie malin qui me soufflera à chaque obstacle la réaction qu'il faudrait avoir pour faire le moins de mal possible. Mais au fond je sais que jamais cela ne me sera donné, et cette réalité déprimante noircit un peu plus le tableau qui s'offre à mes yeux en guise d'avenir. Apprendre au fur et à mesure? J'y ai quasiment renoncé avec les années, je marche encore mais il s'agit d'avantage d'un boitillement épuisé qui ne sait plus où poser les pieds sur le chemin infesté de pierres traîtres... J'en ai assez. Je me traîne, vide et lente, me plaignant à outrecuidance, lamentable de faiblesse et de peur. Âme négative, esprit insoluble, être vil et vide.

Publié dans Blues d'une Fillette

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